Relance économique : la rumeur d’un uniforme…pour les profs

Comme tous les vendredis soirs, l’humeur était enjouée pour le dîner des conseillers ministériels. Après le karaoké d’usage, remporté de main de maître par Ludivine Baudroie, le mignardise time a été l’occasion, comme de coutume d’une effusion d’idées pour que notre pays gagne des places dans le baromètre du bonheur. Le sujet du jour : la contribution du corps enseignant au redressement national.

Qui a amené le sujet sur la table ? Sans doute Pierrick Blobfish, celui qui murmurait dans l’oreille de JM et a gardé cette bonne habitude avec la titulaire du portefeuille de l’éducation. « Pourquoi seuls les élèves porteraient un uniforme ? Pourquoi ne pas introduire un peu de bon goût dans la tenue vestimentaire des enseignants ? Adieu les velours côtelés, non ? » Certes, les cinq tournées de caïpirinha pouvaient augurer une bonne plaisanterie. (Les enseignants de mes enfants ont délaissé depuis longtemps le velours côtelé pour des pantalons de style trek dans les Pyrénées.) Mais absolument pas, c’était le fruit d’une mûre réflexion à partager et à bonifier. Rosalinde-Marguerite Bonite, que l’on surnomme la cantatrice du cabinet renflement brun, s’est aussitôt exclamée. « Ah mais nous aussi, on pense à l’uniforme pour les profs, une nouvelle filière textile pour contribuer au redressement économique. Imaginez, la relance si on dote chaque enseignant de trois à quatre tenues par an, à leurs frais bien sûr! »

Un murmure de jalousie a accueilli la proposition. Rosalinde-Marguerite avait marqué un point. « Oui mais vous allez les trouver où les entreprises » s’est exclamé Hippolyte Eglefin, l’exfiltré de Mac Kysait. « Il n’y avait pas des boîtes qui fabriquaient des masques en tissu, rigolos mais inutiles. Il doit leur rester du tissu pour faire des blouses, non ?« , s’esclaffa Côme Hoki, le rigolo de la culture. « Ah mais c’est pas idiot ça ! » répondit étonnée l’assistance (les idées farfelues de Côme étaient souvent accueillies par des sourires entendus). Dans l’élan, il laissa filer son raisonnement, empruntant cette fois un ton fort sérieux. « Pour chaque discipline, une couleur. Bleu pour les profs de lettres, beige pour les profs de maths, rose pour les arts plastiques, vert pour SVT, et la salle des profs serait colorée. » Je me suis tu, seules mes oreilles devaient rester à l’action mais comment ne pas applaudir à cette idée. Pensez aux pauvres élèves de sixième, perdus pour repérer leurs enseignants, là au moins ils seraient fixés d’emblée sur la discipline enseignée.

Hippolyte revint à la charge. « D’accord, c’est bien joli tout ça. Mais vu le coût des charges sociales, on n’arrivera pas à trouver des boîtes capables de produire des blouses que pourraient se payer les profs. » Et comme à chaque fois que le salaire des profs est mentionné, les convives se gondolaient. Ludivine avait la réponse ! « Ah mais attendez, le premier ministre n’a pas dit qu’il fallait que les français se remettent au travail ? Allez zou, mission pour les bénéficiaires du RSA, les chômeurs en fin de droit pour la campagne nationale « Une blouse pour les profs ». On pourrait même proposer des stages pour les collégiens et lycéens« . Et chacun d’imaginer les messages dans les médias pour vanter l’opération « une blouse pour les profs », avec des trémolos sur la solidarité, l’égalité, la souveraineté nationale.

Colin Pageot

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